Saison 2015-2016 – Yasuko Uyama-Bouvard & Stéphanie Paulet

Mercredi 10 Février à 20H30
Musée des Augustins – Salon Rouge
Yasuko Uyama-Bouvard & Stéphanie Paulet

« Fantaisies » & « Sonates pour violon et pianoforte »

Wolgang Amadeus Mozart


Pouvoir entendre quelques-unes des œuvres du passé pour violon et pianoforte sur instruments d’époque ajoute au plaisir de vivre un vrai moment de musique de chambre. Yasuko Uyama-Bouvard & Stéphanie Paulet, toutes deux concertistes évoluant dans les meilleures formations et pédagogues aguerries, constituent un duo de grande qualité. Leur connaissance approfondie des instruments anciens et des différentes techniques de jeu liée à l’évolution du langage musical d’une époque, leur permet de porter un regard différent sur ces œuvres tant de fois visitées. Complicité spontanée, justesse de ton, équilibre des sonorités, souplesse du phrasé, laissent transparaître une certaine manière d’être à l’écoute l’une de l’autre qui met en valeur une interprétation des plus raffinée et d’une belle expressivité.

Le programme permet d’appréhender deux périodes de la vie de Mozart qui se révèleront décisives et déterminantes dans les choix qui s’imposent à lui tant sur le plan personnel que musical.

En 1777, en compagnie de sa mère, il entreprend un voyage* qui en passant par Munich, Augsburg et Mannheim le conduit jusqu’à Paris. Malgré quelques succès il en reviendra affecté et désabusé mais fort d’une ambition nouvelle alors que près de la moitié de ses œuvres figure déjà à son inventaire. Sa rupture provisoire puis définitive avec Salzbourg et ses obligations envers l’archevêque Colloredo sont les signes d’une prise de conscience et d’une volonté d’entreprendre en toute indépendance.

En 1781, invité à se rendre à Vienne**, il saisit l’occasion pour s’y installer,  et devient l’un des premiers compositeurs à vouloir vivre de son art. Il compose librement ou sur commande, fait publier ses œuvres, enseigne. Reconnu comme un grand virtuose du clavier il participe à de nombreuses manifestations et crée même une société de concerts par souscription. La maturité venue, il se détourne peu à peu du style galant et cherche à parfaire son propre langage en se tournant vers des œuvres plus conséquentes dans tous les domaines de la musique***.

* A chaque étape de ce voyage Mozart compose beaucoup et espère obtenir quelques engagements. Au décès de sa mère survenu à Paris durant l’été 1778 vient s’ajouter l’indifférence d’un public qui l’avait adulé lorsqu’il était enfant. Ce voyage lui permet toutefois de se familiariser avec les idées nouvelles qui bouleversent peu à peu le développement et la conception des formes instrumentales notamment comme la sonate, la symphonie ou le quatuor, et concède à l’orchestre une place de plus en plus importante.

** Vienne est l’une des grandes capitales musicales où Mozart, libéré de la tutelle très ambigüe du prince-archevêque et de la soumission à son père, cherche à acquérir une reconnaissance et une place respectable dans la société. Les premières années s’annoncent sous d’heureux auspices.

*** Le baron Van Swieten, grand amateur de musique et bibliothécaire de la Librairie impériale permet à Mozart de découvrir les œuvres de Bach et Haendel dont les influences seront manifestes dans ses futures compositions.

 

Sonates pour violon et pianoforte

♦ La Sonate KV 304 en mi mineur* composée à Paris en 1778 a bénéficié des influences nouvelles que Mozart a déjà assimilées. Elle ne comprend que deux mouvements mais l’atmosphère qui s’en dégage s’éloigne d’une certaine facilité pour gagner en consistance et profondeur. Le dialogue permanent y est spontané et laisse transparaître une profondeur de ton jusque là peu exprimée.

♦ Les Sonates** KV 379 en sol majeur et KV 380 en mi bémol majeur datent de 1781. D’une architecture parfaitement équilibrée, elles témoignent elles aussi d’une évolution stylistique qui joue sur les contrastes, la palette sonore et l’inventivité. Le registre expressif y est plus affirmé, plus soutenu. L’écriture plus subtile et plus travaillée permet aux instruments de dialoguer à part égale dans un esprit réellement concertant.

* Extraite du recueil de 6 sonates dédiées à l’Electrice Palatine Maria Elisabeth.

** Intitulées  » Six sonates pour le clavecin, ou pianoforte avec l’accompagnement d’un violon  » ces sonates sont dédiées à Josepha von Auernhammer, autre élève de Mozart.

 

Fantaisies pour pianoforte

Si quelques mesures dans ces deux pièces peuvent rappeler le style improvisé que l’on peut trouver dans le genre de la fantaisie, elles n’en demeurent pas moins des œuvres profondément élaborées.

♦ La Fantaisie en ré mineur KV 397, achevée vraisemblablement à Vienne en 1782, débute par un prélude « andante » sous forme d’arpèges auquel s’enchaîne un « adagio » d’une grande expressivité et se conclut par un court « allegretto » en majeur des plus gracieux. Le langage musical et l’esprit même de ce mouvement, parfois considéré comme n’étant pas de Mozart, en demeure complètement mozartien.

L’ « adagio » en est le passage le plus caractéristique. Ampleur mélodique, petites séquences plus ou moins développées, chromatisme, notes répétées, ostinato, ruptures dynamiques concourent à multiplier les effets théâtraux et comme souvent chez Mozart la tonalité de ré mineur ici dominante en accentue encore le caractère dramatique.

♦ La Fantaisie en ut mineur KV 475*, beaucoup plus développée, date de 1785. D’apparence assez libre elle révèle en fait une construction parfaitement équilibrée enchaînant plusieurs épisodes distinctifs où l’esprit d’improvisation jaillit spontanément. La tonalité générale d’ut mineur assure l’homogénéité de l’ensemble, bousculée parfois par de nombreuses modulations et audaces harmoniques, sources de tensions dramatiques particulièrement expressives que renforcent encore les accents en rupture, les oppositions de nuances et les longs silences. Les différents épisodes d’une grande variété de caractère foisonnent d’idées, oscillant entre élans lyriques d’une grande intensité et traits virtuoses parfois fulgurants qui mettent en valeur les contrastes saisissants d’un discours musical qui surprend toujours. Comme rarement mais avec force, Mozart dévoile ici un aspect inattendu qui, comme le souligne Albert Einstein, « traduit l’explosion d’une émotion extrême » préfigurant par la profondeur du sentiment l’expression du siècle à venir.

Par bien des aspects cette fantaisie échappe à la notion d’un classicisme rigoureux. Là encore Mozart, transposant dans sa musique instrumentale toute la substance propre à une « mise en scène » en miniature, révèle un sens aigu de la dramaturgie qui se réalisera pleinement dans ses grandes œuvres religieuses et la plupart de ses opéras.

* Cette Fantaisie composée plus tardivement et dédiée à son élève Thérèse von Trattner est associée à la sonate K. 457 en ut mineur de 1784 à laquelle elle sert d’introduction. Elle peut également être interprétée seule.

Au programme

Stéphanie Paulet, violon

Yasuko Uyama Bouvard, pianoforte

Wolfgang Amadeus Mozart (1756 – 1791)

Sonate en Sol majeur KV 379 (1781)

Adagio – Allegro- Andantino cantabile

Fantaisie en ré mineur pour pianoforte KV 397 (1782)

Andante- Adagio- Presto- Tempo Primo- Presto- Tempo Primo- Allegretto

Sonate en mi mineur KV 304 (1778)

Allegro – Tempo di Menuetto

Fantaisie en ut mineur pour pianoforte KV 475 (1785)

Adagio- Allegro- Andantino- Più Allegro- Tempo Primo

 Sonate e Mi bémol majeur KV 380 (1781)

Allegro- Andante con moto- Rondeau