Saison 2016-2017 – Quatuor Modigliani

11 Janvier 2017 à 20h30

Musée des Augustins Salon Rouge

« Ton devoir réel est de sauver ton rêve » avait écrit le peintre…
« Tiens pour sacré tout ce qui peut exalter et exciter ton intelligence.
Affirme-toi et dépasse-toi sans cesse. »

2003, quatre étudiants du CNSM de Paris visitent l’exposition du peintre Amadeo Modigliani qui se tient au Palais du Luxembourg. Sensibles à l’univers pictural du peintre ils font le choix de donner son nom au quatuor qu’ils viennent de fonder. Depuis, cimentée par une belle amitié, leur notoriété n’a cessé de croître dans le monde entier.

Dynamisme et enthousiasme semblent être les qualités naturelles de ce quatuor particulièrement attaché à la recherche d’un bel équilibre où chacun participe à l’élaboration d’une expression musicale savamment dosée. Attentifs à la justesse du phrasé et à la qualité du son, ces quatre musiciens, qui jouent sur des instruments de facture XVIIIe siècle, abordent le répertoire exigeant du quatuor avec élégance et raffinement en imposant un style qui leur est propre.

Leur collaboration heureuse avec plusieurs solistes de renom leur donne aussi l’occasion de s’impliquer d’une autre manière dans le domaine de la musique de chambre.

Le quatuor à cordes est certainement l’une des formes les plus achevées de la musique instrumentale. Principaux représentants du classicisme viennois, Haydn et Mozart en s’éloignant de l’aspect divertissement vont en préciser les principes stylistiques et la cohérence des relations tonales au sein d’une structure en 4 mouvements bien identifiés. Au service d’un même discours, l’individualité des 4 instruments se dessine nettement et permet d’explorer une palette sonore plus diversifiée et beaucoup plus riche. En bousculant les structures, les thématiques, l’écriture, le caractère, l’apport de Beethoven dans ses dernières œuvres principalement demeure considérable et unique dans ce domaine. Se réclamant de son influence, la plupart de ses successeurs, avec leur personnalité propre, vont adapter la forme au langage de leur époque.

 

Franz Schubert – Quatuor à cordes n°12 en ut mineur – D. 703

C’est très tôt au sein du cercle familial et plus tard lors de schubertiades que Schubert se familiarise avec la musique de chambre. Si ses premiers quatuors s’inscrivent globalement dans un moule classique ils présentent déjà quelques particularités de style qui annoncent l’évolution de son langage. Composé en 1820 durant une période assez tourmentée, le 12ème quatuor, « Quartettsatz », ne comprend qu’un seul mouvement et marque une nette rupture. Chez Schubert, qui « fit chanter la poésie et parler la musique » tout devient expression d’un moi intérieur, partagé entre désillusion et espérance.

L’Allegro assai de forme sonate, s’ouvre par un motif rythmique en trémolos qui resurgit à plusieurs reprises, plus ou moins transformé et circulant d’un instrument à l’autre. Sous forme de brève cadence finale ce même motif réapparaît comme élément conclusif. L’atmosphère à la fois tendue et mouvementée qui en découle n’est pas sans rappeler certains lieder ou symphonies composés à la même époque. Deux thèmes, l’un très expressif, l’autre plus allègre, viennent successivement amplifier cette dualité intérieure qui se manifeste dans l’enchaînement d’épisodes fort contrastés.

Dans cet unique mouvement, le style de Schubert s’affirme clairement. Modulations inattendues, opposition majeur/mineur, chromatisme, usage presqu’obsédant du trémolo, puissance sonore, large éventail des nuances poussées parfois à l’extrême, brusques accents, soulignent les subtilités d’un langage très personnel qui subitement peut passer d’une tension intense à l’apaisement le plus doux, de l’obscur à la clarté. L’intensité dramatique qui s’en dégage annonce en substance quelques-unes des ultimes pièces à venir.

 

Dimitri Chostakovich – Quatuor à cordes n°1 en ut majeur – op. 49

Pianiste de formation, Chostakovitch, reconnu comme « un talent novateur manifeste et stupéfiant », s’oriente très vite vers la composition. Le contexte politique de l’époque va sensiblement modifier le cours de sa vie et de sa carrière professionnelle. Composé à Leningrad en 1938 ce quatuor qualifié d’œuvre « printanière  » est le premier d’une série de quinze.

« Ne vous attendez pas à trouver une profondeur spéciale dans ce premier opus du quatuor. Dans l’humeur il est joyeux, lyrique. […] J’ai commencé à l’écrire sans idées et sentiments spéciaux, [] comme une sorte d’exercice original. […] Mais alors le travail sur le quatuor m’a captivé… et je l’ai fini assez rapidement. » Replacée dans le contexte politique de l’époque cette simplicité apparente semble répondre indirectement aux pressions exercées par le pouvoir qui à plusieurs reprises contraint le compositeur d’adhérer par son art aux « réalités de la vie actuelle du peuple russe. » Ce 1er quatuor s’inscrit cependant dans la modernité de manière plus libre et moins conformiste révélant déjà les réelles qualités de ce compositeur qui entre honneurs et humiliations a lutté toute sa vie pour conserver son intégrité.

D’une grande homogénéité de ton, il débute par un Moderato plutôt sobre par la verticalité de son écriture, calme et sans emphase dans le déroulé de la mélodie. Dans le 2ème mouvement, Moderato  également, l’écriture plus épurée met en valeur les timbres. La cantilène exposée longuement à l’alto est reprise en imitation par les autres instruments. Avec l’apparition d’un motif rythmique en triolet la partie centrale plus étoffée est aussi plus animée avant le retour varié du début. Sur fond de notes répétées, l’Allegro molto introduit une séquence plus dynamique. Le premier violon déploie alors un motif soutenu par un ostinato rythmique entraînant comme une sorte de balancement rythmique très léger. Dans l’Allegro final très animé les procédés d’écriture accentuent l’importance des dissonances, des modulations, des variantes mélodiques et rythmiques et rendent perceptible l’efficacité d’un jeu sur les sonorités à travers l’exploitation des différents thèmes.

 

Félix Mendelssohn - Quatuor à cordes en la mineur – op.13

Mendelssohn, compositeur précoce souvent considéré comme le plus classique des romantiques, dévoile dans cette œuvre de jeunesse composée en 1827 certains aspects de son talent et de sa personnalité. L’œuvre met aussi en évidence sa faculté à intégrer avec habileté certains procédés originaux dans le discours musical. Sous forme de « citations » la référence à Beethoven, décédé quelque mois plus tôt, et à qui Mendelssohn rend hommage, est ici évidente. Respectueux de la forme c’est par la maîtrise, la variété et la richesse de son langage qu’il fait preuve d’un esprit novateur : densité sonore que viennent rompre de fréquents changements de couleurs, cohésion de l’ensemble qui permet de réintroduire certains thèmes de manière cyclique, indépendance et complémentarité des 4 instruments dans un rapport judicieusement équilibré.

Trois notes introduisent l’Adagio. Ce motif interrogatif, comme en suspension reprend le début du lied « Frage » (Ist es Wahr ?/ Est-ce vrai ?) tiré de l’op. 9. Exposé en majeur aux 4 instruments il introduit d’entrée un climat assez sombre d’une rare intensité. De caractère vigoureux, l’Allegro vivace est élaboré sous forme d’échange entre les instruments à partir de deux thèmes principaux, l’un rythmique en valeurs pointées, l’autre adoptant une tournure plus lyrique. Très expressif, plus détendu, l’Adagio non lento, de forme ternaire -ABA’- présente en son centre un fugato aux variations de couleurs et de dynamiques surprenantes. En contraste, l’Intermezzo, finement ciselé, s’ouvre sur un motif plus léger présenté au 1er violon soutenu par des pizzicati qui assure l’assise rythmique. Une accélération du tempo amène un épisode central plus dense avant le retour de la 1ère partie. Par son caractère exalté le Presto final largement développé rappelle le 1er mouvement. Les différents thèmes fortement marqués se succèdent et se combinent dans une atmosphère d’une grande tension, presqu’exacerbée par moment. Les principaux motifs de l’œuvre extraits des mouvements précédents réapparaissent alors dans une coda où s’impose, pour conclure, le questionnement introductif.

Au programme
Franz Schubert – Dimitri Chostakovitch – Felix Mendelssohn

Interprètes;
Amaury Coeytaux & Loïc Rio, violons
Laurent Marfaing, alto
François Kieffer, violoncelle