Saison 2017-2018 – Stile Antico

Mercredi 13 décembre 2017
Eglise du musée des Augustins à 20h 30

« Puer natus est »


Ensemble de jeunes chanteurs britanniques au renom grandissant, Stile Antico se classe parmi les plus originaux et les plus intéressants des groupes vocaux. Leur répertoire s’étend du somptueux legs des compositeurs des Tudor aux œuvres des écoles flamande et espagnole et à la musique prébaroque.

Si le nom fait écho au style « considéré comme un idéal de pureté musicale », l’ensemble de douze chanteurs réputé dans le monde entier séduit par ses performances vocales exceptionnelles, l’élaboration ingénieuse de sa programmation et la joie manifeste qu’il aime à partager. Basé sur une démarche collaborative, le travail minutieux de recherche et d’interprétation réalisé par Stile Antico permet à chaque individualité de trouver sa juste place. Cette « approche interprétative directe et personnelle du répertoire choral » permet de rendre à la polyphonie de la Renaissance toute sa force évocatrice.

Au programme

Plain-chant - Veni Emmanuel

Thomas Tallis - Videte miraculum

William Byrd - Tollite portas

Thomas Tallis - Gloria from Missa Puer natus est

William Byrd - Ave Maria

Robert White - Magnificat

Anonyme - Lully Lulla, thou little tiny child (Coventry Carol)

Thomas Tallis - Sanctus and Benedictus from the Missa Puer natus est 

William Byrd - Rorate caeli

Thomas Tallis - Agnus Dei from the Missa Puer natus est

William Byrd - Ecce Virgo concipiet

Plain-chant - Puer natus est

John Sheppard - Verbum Caro

 

Interprètes

Helen Ashby

Kate Ashby

Rebecca Hickey

Eleanor Harries

Emma Ashby

Katie Schofield

Andrew Griffiths

Benedict Hymas

Tom Kelly

Will Dawes

James Arthur

Simon Gallear

A propos du programme

Entre la fin du XVe siècle et le début du XVIIe siècle, l’Angleterre traverse une période assez complexe. L’avènement de la Réforme s’accompagne de graves troubles qui vont bouleverser en quelques années les croyances et les pratiques religieuses. Cependant la vie culturelle et artistique y est florissante et durant plus d’un siècle, la dynastie des Tudor va régner sans partage affirmant un engouement particulier pour la musique. Celle-ci, présente dans toutes manifestations privées ou publiques, rehausse l’éclat des grandes fêtes et des cérémonies officielles. Après Henry VIII, c’est Edouard VI qui accède au trône, puis Marie Tudor* et Elisabeth Ière dont le règne sera le plus long et le plus glorieux. En fonction de leurs convictions religieuses chacun des souverains impose un rite particulier. C’est sous le règne d’Henri VIII, en 1534, que s’opère la rupture avec Rome. Le Roi devient alors « Chef suprême de l’Eglise d’Angleterre ». La réforme du clergé instaure progressivement le rite anglican et impose l’anglais au détriment du latin. En 1539 la suppression des monastères oblige compositeurs et musiciens à renier leur foi ou à chercher des compromis pour échapper aux persécutions. Bénéficiant d’une certaine tolérance quelques-uns continuent à servir les deux liturgies. D’autres se convertissent, deviennent musicien de cour, se détournent de la musique ou choisissent l’exil provisoire ou définitif. Remanié plusieurs fois le « Book of Common Prayer » devient la référence officielle. Plus fonctionnelle, de style syllabique, la « Church music for the people », se veut ainsi plus proche des fidèles. Cathédrales, Universités, Chapelle royale entretiennent des chœurs qui jouent un rôle important dans la propagation du répertoire et des nouvelles pratiques. A Londres, où plusieurs musiciens étrangers séjournent, facture instrumentale et imprimerie se développent aussi.

 

La période de l’Avent et de Noël, temps liturgique bien spécifique, rend hommage à la Vierge Marie et à la naissance de Jésus. Les œuvres proposées, repons, psaumes, hymnes, cantiques…, s’inscrivent dans le déroulement des offices qui ponctuent la journée constituant ainsi les différents « services » : matines, messes, vêpres, complies principalement. Les anthems, sorte de motets sacrés, en latin ou en anglais, composés pour 3, 4, 5 parfois 6 voix sont chantés a cappella. Les compositeurs figurant au programme de ce concert s’inscrivent dans la grande tradition polyphonique propre au XVIe siècle. Si l’usage du grégorien est encore présent, l’influence du style contrapuntique franco-flamand et celle du madrigal italien ouvrent toutefois de nouvelles perspectives qui se manifestent progressivement.

 

Avec le Gloria, l’Agnus Dei, le Sanctus et le Benedictus, la Missa « Puer Natus est nobis » de Thomas Tallis constitue l’œuvre principale du programme. Des pièces de William Byrd, Robert White et John Sheppard viennent s’intercaler entre les différents éléments de l’ordinaire de la messe.

 

Tallis, catholique, contraint de composer aussi pour l’église réformée, a exercé sous les quatre monarques et son parcours illustre les transformations subies par les musiciens face au cours de l’histoire. Avant de devenir « gentleman » de la Chapelle royale où s’applique le culte réformé, il a séjourné dans plusieurs monastères. Durant le court règne de Marie Tudor il compose dans le cadre de la nouvelle liturgie imposée. Son apport est considérable et s’ouvre à la modernité par le biais du contrepoint imitatif.

 

La première exécution de la messe réunissant la Chapelle royale de la Reine Marie et la « Capilla Flamenca »** de Philippe II d’Espagne aurait pu se dérouler en décembre 1554. Ecrite pour 7 voix -2 altos, 2 ténors, 1 baryton et 2 basses-, elle s’appuie à la fois sur l’usage plus ancien du cantus firmus ici très travaillé, et sur les procédés en imitation, technique révélatrice d’un intérêt affirmé pour les tendances nouvelles. La combinaison des différents styles, l’ampleur, la complexité de l’édifice sonore « font de cette composition magistrale une des œuvres les plus innovantes et les plus inhabituelles de son époque. »

 

Autre œuvre de Tallis, le Videte miraculum énonce le « miracle » de la conception. Faisant alterner polyphonie et plain-chant, l’œuvre répond aux principes d’écriture de l’époque et montre là encore toute la maîtrise et la profondeur d’expression du compositeur.

 

Surnommé « Father of music », William Byrd, retrouve Tallis à Londres. Tous deux exercent en tant qu’organiste et compositeur au service de la Chapelle royale. Fidèles au catholicisme ils bénéficient de la protection de la reine Elisabeth et privilégient l’usage du latin.

 

Le talent accompli de Byrd est sensible dans les 4 pièces du Propre de l’Avent (messes mariales) du « Gradualia Prima » édité en 1605. Ces motets à 5 voix prennent place à divers moments de la messe. En général, traitée de manière syllabique avec simplicité et clarté, chacune des pièces diffère par son caractère en concordance avec le contenu textuel et émotionnel. Après le Tollite portas qui honore le Roi de Gloire, l’Ave Maria rappelle la salutation de l’ange Gabriel à Marie. A la quête du croyant évoquée dans le Rorate cæli succède l’Ecce virgo concipiet où Emmanuel, nom destiné à l’enfant annoncé, est révélé. En maître de la polyphonie Byrd fait preuve d’invention, d’audaces mélodiques et harmoniques renforçant ainsi le caractère expressif du texte.

 

Aux côtés de Tallis et Byrd, les compositeurs Robert White et John Sheppard appartiennent eux aussi à la brillante génération des polyphonistes de l’école anglaise. En louant le fils unique de Dieu le Père, le Verbum Caro met en valeur l’originalité de Sheppard, un temps « gentleman » de la Chapelle royale. Sa faculté à enrichir la palette sonore par le traitement des voix et l’usage de modulations expressives sont particulièrement séduisantes.

 

Dans son Magnificat à 6 voix, White, qui fut maître du chœur de l’abbaye de Westminster utilise à la fois une harmonisation classique avec mise en valeur de la mélodie à la voix supérieure, et l’emploi subtil du contrepoint. Si le plain-chant du magnificat est le plus souvent confié à la voix de ténor, sa manière de diversifier les différentes strophes jouant sur les dispositifs vocaux révèle à la fois une imagination féconde et un vrai sens de l’utilisation des couleurs vocales.

 

* Fille de Henry VIII, Marie Ière ou Marie Tudor, accède au trône d’Angleterre en 1553 et épouse Philippe II d’Espagne, fils de Charles Quint, en juillet 1554. Durant son règne elle impose un retour au catholicisme et mène de sanglantes répressions contre les réformateurs protestants.

 

** Créée par Charles Quint dans un contexte historique bien particulier, la « Capilla Flamenca » rassemble des musiciens issus de la cour de Bourgogne et de celle des Habsbourg auxquels viendront se joindre des polyphonistes de l’école franco-flamande dont l’influence se manifeste durant toute cette période.