Saison 2017-2018 – Magali Leger et l’ensemble Rosasolis

Mercredi 14 mars 2018
Eglise Saint-Exupère à 20h 30

 « Boccherini à la cour d’Espagne »


Entourée de ses fidèles partenaires de l’ensemble RosaSolis, la soprano Magali Léger nous fait vibrer par la grâce de ses vocalises, par la fraîcheur et le naturel de ses accents.

En concert ou sur scène, passant de la musique sacrée à l’opéra ou à la mélodie, de la musique plus contemporaine à la chanson, la soprano Magali Léger a su fidéliser un public par ses « interprétations sincères, vivantes et sensuelles. » Aux côtés de l’Ensemble RosaSolis en formation proche du quatuor elle engage un véritable travail de partenariat où l’esprit « chambriste » devient le fil conducteur. Chacun étant soliste à part entière, le délicat équilibre entre voix et instruments s’articule autour d’un dosage harmonieux et maîtrisé qui joue sur les couleurs, les contrastes et les dynamiques dans la recherche d’une belle expressivité.

 

Interprètes

Magali Léger – soprano

Guillaume Humbrechtviolon

Tiphaine Coquempot – violon

Nicolas Crnjanski – violoncelle

Julie Blais – orgue positif

Géraldine Roux – alto

Jean-Christophe Marq – violoncelle

 

Au programme

Luigi Boccherini Stabat Mater 

Quintette en do mineur

Aria Accademica « Se non ti moro allato »

Joseph Haydn Quatuor opus 51, extrait des Sept Dernières Paroles du Christ

Sonata IV : « Eli, Eli, lama asabthani »

 

Contemporain de Haydn et de Mozart, Luigi Boccherini appartient à toute une génération de compositeurs qui, en généralisant progressivement l’usage du bithématisme et la prédominance du système tonal, vont poser les fondements du style « classique » dont l’influence va orienter durablement et profondément l’évolution du langage musical.

 

Né à Lucques au sein d’une famille d’artistes, Boccherini révèle assez vite de réelles dispositions pour la musique. Après un séjour à Rome pour parfaire son apprentissage, c’est vers le violoncelle et la composition que s’orientent ses choix. Suivent quelques voyages qui, passant par le nord de l’Italie, Vienne puis Paris, le conduisent dès 1768 en Espagne où il passe le reste de sa vie*.

 

Comme le souligne Charles Barney, Boccherini, dont « le style est à la fois audacieux, maîtrisé et élégant… correspondant toujours exactement au caractère spécifique des instruments pour lesquels il écrit », doit essentiellement sa renommée à ses talents de violoncelliste, à son apport déterminant dans le développement de la musique de chambre et à son goût d’entreprendre**.

 

« […] il est un genre de composition qui semble avoir été fait pour le Violoncelle, c’est le Quintetto tel que le célèbre Boccherini l’a conçu ; en y faisant entendre cet instrument et comme partie d’accompagnement et comme partie récitante, il a su lui donner un double charme et devenir créateur dans ce genre […]. »

 

Pierre Baillot, Méthode de Violoncelle et de Basse d’accompagnement, 1804

 

Après 1780, son esthétique, plus personnelle, rend compte de la diversité de son langage où il s’autorise quelques libertés de ton et de forme. De cette époque datent ses premiers quintettes qui, avec ses trios et ses quatuors, lui permettent d’acquérir une certaine notoriété. Le quintette à cordes avec deux violoncelles est le genre musical où sa singularité se manifeste le plus. Son attention se porte naturellement sur la recherche de coloris, la mise en valeur de timbres et l’équilibre sonore instrumental traité dans un esprit concertant.

 

♦ Quintette en do mineur opus 45 no 1 – G 355

Adagio non tanto – Allegro assai – Tempo di minuetto – Finale. Presto

 

Vraisemblablement écrit pour le roi de Prusse, ce quintette pour deux violons, un alto et deux violoncelles que le compositeur désigne comme Opera Grande date de 1792. Cette période durant laquelle Boccherini accorde aux deux violoncelles une plus grande autonomie marque une nette avancée dans la conception du jeu instrumental et augure d’une nouvelle manière d’écrire pour quintette à cordes. En développant les réelles capacités virtuoses et expressives de l’instrument, Boccherini, avec d’autres compositeurs, permit au violoncelle d’accéder au rang de soliste à part entière et de jouer un rôle important, à égalité avec les autres instruments, au sein de la musique de chambre.

 

♦ « Se non ti moro allato » – Aria Accademica no 2 en sib majeur – G 545

[« Si tu fuis mon destin, idole de mon cœur. »]

 

La musique vocale religieuse et profane de Boccherini, moins connue, occupe cependant une place relativement importante au vu de l’ensemble de son œuvre. Entre 1786 et 1797 il compose plusieurs « aria accademica » qu’il considère comme de la « musique nouvelle ». Conservées à la BNF et destinées au concert, une douzaine de ces pièces constituent un cycle dont les sujets font référence aux héros mythologiques ou historiques. Composée de deux parties avec da capo, l’aria « Se non ti moro allato, Idolo del cor mio » est écrite pour soprano et ensemble à cordes. Le texte s’appuie sur un court extrait d’un livret d’opéra, Adriano in Siria, de Pietro Metastasio. L’aspect cantabile et la virtuosité vocale sont mis en valeur par Boccherini et résonnent comme une sorte de compromis entre le style vocal italianisant de G. F. Haendel et l’éclosion du bel canto à venir.

 

Joseph Haydn

♦ Les Sept Dernières Paroles du Christ en Croix opus 51

Sonata IV *** : « Eli, Eli, lama asabthani » [« Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »]

 

« Chaque Sonate, ou chaque texte, est exprimé par les seuls moyens de la musique instrumentale de telle manière qu’il éveillera nécessairement l’impression la plus profonde dans l’âme de l’auditeur le moins averti. » Joseph Haydn, 1787

 

La version pour quatuor à cordes, considérée comme la plus concise et la plus élaborée, est créée à Vienne en 1787. La Sonate no 4, exposée dans un mouvement largo, revêt un caractère plutôt sombre. Faisant écho aux paroles des Évangiles, la tonalité de fa mineur vient renforcer la tension dramatique pour évoquer le doute et le désespoir auxquels est confronté le Christ. Les paroles ne sont plus ici qu’une référence biblique et seule la musique traduit le caractère émotionnel et la profondeur du ressenti.

 

Luigi Boccherini

♦ Stabat Mater en fa mineur opus 61- G 532

 

La plus aboutie de ses œuvres religieuses est sans doute ce Stabat Mater, composé en 1781. Écrite pour soprano et ensemble à cordes, cette œuvre est destinée à l’office de Las Arenas de San Pedro, ville éloignée de Madrid où s’est retiré Don Luis de Bourbon. Le texte en vers de Jacopone da Todi, respecté par le compositeur, évoque la souffrance de la Vierge Marie assistant à la crucifixion de son fils. Boccherini fait le choix original d’accompagner la partie soliste par un quintette à deux violoncelles. Tel un sixième instrument, la voix s’intègre de manière harmonieuse et homogène, et participe pleinement au déroulé musical de chaque tableau pour dépeindre la douleur et la compassion. En ayant recours à tous les procédés d’écriture en usage, Boccherini a su trouver l’expression la plus juste pour traduire avec sincérité et sobriété toute une palette de sentiments et d’états d’âme exprimés dans le texte littéraire.

 

* En 1757 il est engagé comme violoncelliste à la cour impériale de Vienne. À Paris, en 1768, il se produit dans des salons privés et au Concert Spirituel où, selon le Mercure de France du 20 mars 1768, il exécute « en maître, une sonate de sa composition ». Sollicité par l’ambassadeur d’Espagne, il va bénéficier jusqu’en 1785 de la protection de Don Luis, frère du roi Carlos III, qui l’engage comme « violoncelliste et compositeur ». Par la suite il compose pour Friedrich Wilhelm II, violoncelliste et futur roi de Prusse. Ses œuvres sont jouées à Postdam et Berlin. Lucien Bonaparte, ambassadeur à Madrid et organisateur de festivités, lui apporte également son soutien.

 

** Parmi ses préoccupations principales retenons : l’intérêt porté au violoncelle et à la musique de chambre, la réalisation d’un catalogue autographe, le souci de faire éditer ses œuvres de son vivant, sa correspondance, ses mémoires. La référence « G (…) » renvoie au travail d’Yves Gérard, l’un des musicologues spécialistes de Boccherini.

 

*** Commande de l’église Santa Cueva à Cadix, la version symphonique originelle fut jouée en mars 1787. Dès 1788, Haydn en réalise une version pour quatuor. Suivront une version « autorisée » pour pianoforte et, plus tardivement, une version oratorio.