Saison 2018-2019 – Thibaut GARCIA et Boris GRELIER

Mercredi 10 avril 2019 à 20h30
Eglise Saint-Jérôme

En partenariat avec Toulouse Guitare

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Programme AR – Concert 10 avril 2019


« Flûte et guitare »


Originaire de Toulouse, Thibaut Garcia, guitariste de 24 ans, dit « être sur un nuage » tant les nombreux prix, nominations honorifiques et tournées de concert ont déjà couronné sa jeune carrière. En récital, avec orchestre ou formation de chambre, il sait renouveler avec bonheur l’intérêt porté à un instrument aux multiples ressources techniques et expressives. Boris Grelier, flûtiste de renom, apprécié du public toulousain et des meilleurs ensembles, est aussi un « chambriste passionné ». Le programme en duo qu’ils proposent, haut en couleur et aux influences diverses, met en valeur leurs réelles qualités d’interprétation à la fois énergiques et inventives.

 

Interprètes

Thibaut Garcia – guitare

Boris Grelierflûte

 

Au programme

Jacques IbertEntr’acte

Georg Friedrich HaendelSuite n°1 en la mineur

Mario Castelnuovo-TedescoSonatine

Heitor Villa-LobosBachianas brasileiras n°5 : Aria

Astor PiazzollaHistoire du tango

 

Dès le début du XXe, les voies à suivre dans le domaine musical sont multiples et plusieurs courants, écoles, groupes ou personnalités tentent de s’imposer. Se manifestent alors diverses attitudes auxquelles se réfèrent plusieurs compositeurs pour trouver une réponse à leurs propres aspirations. Entre la fidélité à un bel héritage, un retour au classicisme, la tentation d’influences extra-européennes et/ou la volonté audacieuse de s’inscrire dans la contemporanéité, une autre voie existe, celle de l’indépendance. La France, par son rayonnement culturel, attire et accueille de nombreux artistes et compositeurs étrangers.

 

Jacques Ibert – Entr’acte

 

La partition Entr’acte, datée de 1937, est composée à l’origine pour flûte ou violon, et harpe. La partie de harpe est ici transcrite pour guitare.

 

« Le mot système me fait horreur et je fais le pied de nez aux règles préconçues.

Tous les systèmes sont bons pourvu qu’on y mette de la musique. »

 

Après des études au Conservatoire de Paris et un premier grand prix de Rome obtenu en 1919, Jacques Ibert séjourne en tant que pensionnaire à la Villa Médicis, Académie de France à Rome, qu’il dirige ensuite de 1937 à 1960 avec une interruption durant la Seconde Guerre mondiale. Entre de nombreux voyages il prend le temps de composer une œuvre abondante et d’honorer ses fonctions de directeur de la Réunion des théâtres lyriques nationaux. Plusieurs distinctions lui sont également décernées.

 

Jacques Ibert, plutôt considéré comme un musicien indépendant, pratique le contrepoint, la tonalité, avec ou sans les préfixes « a- »  ou « poly- ». Très diversifié, l’ensemble de son œuvre comprend des pièces pour orchestre, musique de chambre, ballet, opéra, musique de scène qui correspondent à des choix personnels. Nouvelles sources d’inspiration, le cinéma et la radio stimulent également son activité créatrice. Les termes « clarté, équilibre, verve et élégance » sont souvent associés à son style, comme pour souligner un art bien français qu’il cultive tout au long de sa vie, qui fait dire à Henri Dutilleux : « L’art de Jacques Ibert échappe à l’épreuve du temps car il est, avant toute chose, essentiellement classique de forme. Mais quelle imagination dans l’ordre, quelle fantaisie dans l’équilibre, quelle sensibilité dans la pudeur. »

 

Courte pièce, Entr’acte se déroule en trois temps. À travers les sonorités et les qualités expressives propres à chaque instrument, le compositeur s’attache à mettre en valeur la complicité ingénieuse d’un duo dans la façon de combiner agréablement les timbres. Sans excès, la virtuosité brillante, les dynamiques vivifiantes alternent avec le charme et la plénitude des lignes mélodiques. Certaines recherches d’effets caractéristiques rappellent quelques tournures typiquement hispanisantes.

 

Georg Friedrich Haendel – Sonate no 1 en la mineur HWV 374

 

 

Adagio – Allegro – Adagio – Allegro

 

Écrite pour flûte (ou violon), la partie de basse continue est ici transcrite pour guitare.

 

Né la même année que Bach, Haendel est l’une des grandes figures musicales du baroque de la première moitié du XVIIIe. Originaire de Halle-sur-Saale, c’est là qu’il reçoit les premiers enseignements de son art basés sur l’étude de l’harmonie, du contrepoint et des formes musicales. Remarqué pour ses dons d’improvisateur, Haendel s’impose en tant qu’organiste et claveciniste. Dès 1703 débutent ses premiers voyages qui le conduisent à Hanovre puis Hambourg, ville incontournable qui par son ouverture à l’opéra devient un véritable lieu d’apprentissage. Chaque étape de son parcours, ainsi que les personnalités qu’il rencontre permettent de mieux situer le compositeur par rapport à l’univers musical dans lequel il va se projeter. Après l’Allemagne, son cheminement se poursuit en Italie où s’affirme son engouement pour l’art vocal profane et religieux et dont l’influence devient un atout principal. Puis c’est l’Angleterre. Devenu citoyen anglais, il s’installe à Londres et compose ses plus grandes œuvres qui lui valent pour un temps succès et renommée.

 

Davantage connu pour ses opéras et oratorios, Haendel a composé un grand nombre d’œuvres instrumentales où l’assimilation des styles et des genres en usage est manifeste. Écrits sur le modèle de la sonata da chiesa, les quatre mouvements alternent de manière plus ou moins codifiée1. Les caractéristiques françaises – valeurs pointées, ornementation, fluidité des courbes mélodiques -, et italiennes – vélocité, jeu en imitation, expressivité – s’ordonnent harmonieusement entre les Adagios et les Allegros, enrichies par l’écriture subtile et inventive de la basse continue.

 

Mario Castelnuovo-Tedesco – Sonatina op. 205, pour flûte et guitare

 

Allegretto grazioso – Tempo di Siciliana (Andantino grazioso e malinconico) – Scherzo-Rondò. Allegretto con spirito

 

D’origine italienne, Castelnuovo-Tedesco débute sa formation musicale par le piano, à Florence, puis à Bologne pour la composition. Avant d’émigrer aux États-Unis en 1939 en raison de la politique antisémite de l’Italie, il participe à cet élan d’ouverture pour le « renouveau musical italien » inauguré par plusieurs compositeurs. Naturalisé américain, il s’installe en Californie et enseigne au Conservatoire de Los Angeles.

 

Musique concertante, pour piano, musique de chambre, musique de film sont des domaines qui retiennent particulièrement son attention. Ils lui permettent de mettre en valeur certains instruments, dont la guitare que le compositeur affectionne et auquel il consacre plusieurs pièces, en solo, en duo, en trio ou quatuor et avec orchestre. L’univers musical de Castelnuovo-Tedesco reflète un goût prononcé pour la poésie et la narration qu’il traduit par touches descriptives ou évocatrices. D’une belle facture, son écriture instrumentale où se retrouvent quelques résurgences des influences italiennes, espagnoles et juives, combine richesse harmonique et souplesse mélodique.

 

Œuvre de commande composée en 1965, la Sonatina op. 205 comprend trois mouvements. Pour chacun d’eux, les indications de tempi et de caractère sont d’emblée significatives de l’atmosphère générale de cette pièce d’une belle densité d’écriture et d’une forme parfaitement maîtrisée. De l’Allegro gracieux à l’Allegretto enjoué, en passant par le mouvement de Siciliana central, s’installe une sorte de jeu perpétuel entre les deux instruments. Mélodies suaves, harmonies subtiles, traits virtuoses se combinent ou s’échangent tout au long de la sonatine, d’une belle expressivité.

 

Heitor Villa-Lobos – Bachianas brasileiras no 5, Ária-Cantilena

 

Transcription de la version pour voix et guitare réalisée par le compositeur lui-même, retranscrite ensuite pour flûte et guitare.

 

« J’ai employé la musique folklorique pour me former une personnalité musicale […] j’espère qu’ainsi cette musique constitue la meilleure partie de mon œuvre. »

 

Originaire de Rio de Janeiro, Villa-Lobos, compositeur au parcours atypique et intuitif, est confronté dès son enfance à une double culture musicale2. L’européenne, qu’il acquiert par la pratique du violoncelle et la fréquentation de quelques compositeurs étrangers, et celle des chants traditionnels de son pays, recueillis lors d’un long périple à travers le Brésil. À cela s’ajoute un goût affirmé pour l’improvisation, un vif intérêt pour la guitare, le folklore sud-américain indien et brésilien. En 1945 il fonde l’Académie brésilienne de musique avec le souci de promouvoir l’éducation musicale dans son pays.

 

Considérable par son ampleur, le catalogue de ses œuvres, pas toujours jugées d’égale valeur, révèle une approche autodidacte de la musique, une pratique spontanée ou davantage mûrie dans le traitement de la matière, et un sens inné des coloris. Elle est le reflet d’un attachement profond aux traditions souvent teintées d’influences extérieures dont il s’est imprégné et qui lui confère un style à la fois original et « cosmopolite ».

Composée entre 1930 et 1945, les Bachianas brasileiras est l’une de ses œuvres les plus célèbres. D’après Suzanne Demarquez, « il s’agit d’une synthèse des éléments divers dont se nourrit le folklore brésilien, traités contrapuntiquement dans cet esprit de rigueur, mais aussi de souplesse, que Villa-Lobos admirait tant chez Bach ». Cette grande fresque rend hommage à Bach dont le compositeur a étudié les œuvres. Chacune des pièces porte un titre double faisant référence aussi bien à certaines œuvres de Bach qu’au folklore brésilien. Chacune comprend également plusieurs mouvements et propose une combinaison voix et instruments chaque fois différente.

 

La cinquième pièce, datée de 1938, est un Ária-Cantilena écrit à l’origine pour huit violoncelles et soprano. Telle une mélopée d’une belle amplitude, la vocalise initiale – a bocca chiusa –, s’étire dans une atmosphère douce et mélancolique. Avant le retour de cette cantilène, la partie centrale plus animée, au rythme appuyé et comme psalmodiée, se fait l’écho poétique des vers de Ruth V. Corrêa évoquant « la beauté du ciel le soir ».

 

Astor Piazzolla – Histoire du tango

 

Bordel 1900 – Café 1930 – Night-club 1960 – Concert d’aujourd’hui

 

« Il était nécessaire de libérer le tango de la monotonie harmonique,

mélodique, rythmique et esthétique qui l’engonçait. »

Compositeur et bandonéoniste, fils d’immigrés italiens, Piazzolla, né en Argentine a révolutionné la conception et l’art du tango. Son apprentissage débute par l’étude du bandonéon puis du piano. Son parcours artistique évolue de manière itinérante au gré des rencontres. Entre New York, où il côtoie Carlos Gardel, Buenos Aires, où il joue dans différents orchestres, sa passion pour la musique de tango croît. En 1946 il créé son propre ensemble et songe déjà à sortir d’un schéma qu’il perçoit comme trop traditionnel. En étudiant les œuvres de Ravel, Bartók, Stravinsky, en s’imprégnant de la musique de jazz et de la bossa nova, il va peu à peu, dans le doute, entrevoir une autre voie.

 

C’est après son voyage à Paris qu’il compose ses premières œuvres significatives où perce sa véritable personnalité3. Il ne cesse dès lors de bousculer les traditions. En associant le tango, art populaire, au jazz et à la musique classique hérités de sa double formation, il dessine le contour d’une forme musicale nouvelle, reconnue, et dorénavant digne de figurer sur les programmes des salles de concert.

 

Œuvre originale pour flûte et guitare, Histoire du tango, datée de 1986, se déroule en quatre « tableaux ». Elle retrace l’évolution de cette danse issue des bas-fonds des faubourgs de Buenos Aires, qui, devenue pièce instrumentale, s’inscrit dans la modernité.

 

Bordel 1900

 

« Le tango naît à Buenos Aires en 1882. Les premiers instruments à le jouer sont la guitare et la flûte. Par la suite, s’y ajoutent le piano puis le bandonéon. C’est une musique pleine de grâce et de vivacité : elle donne l’image de la bonne humeur, de la faconde des Françaises, des Italiennes et des Espagnoles qui vivent dans ces bordels, aguichant policiers, voleurs, marins et mauvais garçons qui leur rendent visite. Le tango est gai. »

Café 1930

« C’est une autre époque du tango. On cesse de le danser comme en 1900 et l’on se contente désormais de l’écouter – il devient plus musical, plus romantique aussi. C’est une transformation radicale : mouvement plus lent, harmonies nouvelles, beaucoup de mélancolie. Les orchestres de tango se composent de deux violons, deux bandonéons, un piano et une basse. On chante parfois. »


Night-club 1960

« Cette période pendant laquelle s’accroissent considérablement les échanges internationaux, voit une évolution nouvelle : le Brésil et l’Argentine se retrouvent à Buenos Aires. Bossa nova et nouveau tango, “même combat”. Le public accourt dans les night-clubs pour y écouter avec sérieux le nouveau tango. Révolution, profond bouleversement de certaines formes du vieux tango. »

 

Concert d’aujourd’hui

« La musique de tango rejoint, par certains concepts, la musique nouvelle. Réminiscences de Bartók, Stravinsky et quelques autres sur fond de tango. C’est le tango d’aujourd’hui, le tango de l’avenir… »

 

 

1 Dans ses sonates pour un instrument et basse continue, flûte à bec, traverso, hautbois, violon peuvent s’approprier la partie du dessus, celle-ci n’étant pas toujours spécifiée. N’ayant été éditée qu’en 1730, un doute demeure sur l’authenticité de l’instrument soliste de la Sonate HWV 374, « Halle Sonata 1 », qui aurait pu être composée à Halle.

 

2 Entre 1923 et 1930, grâce à une bourse d’étude, Villa-Lobos séjourne à Paris où il se lie d’amitié avec plusieurs artistes et compositeurs dont il subit l’influence. Il devient plus tard membre correspondant de l’Institut national de musique de France.

 

3 En 1954, prononcés lors d’un entretien, les mots de Nadia Boulanger, professeur de composition, permettent à Piazzolla de prendre conscience de son authenticité et de ne pas renoncer à son identité musicale. « “C’est très bien écrit.  […] Ici, vous êtes comme Stravinsky, comme Bartók, comme Ravel, … mais… je ne trouve pas Piazzolla dans cette histoire […] Tu dis que tu n’es pas pianiste. Quel instrument joues-tu, alors ?” Et je ne voulais pas lui dire que j’étais un joueur de bandonéon […] Finalement, j’ai avoué et elle m’a demandé de jouer quelques mesures d’un tango à moi. Elle a soudainement ouvert les yeux, a pris ma main et m’a dit : “Espèce d’idiot, c’est Piazzolla !” »