Saison 2013-2014 – AMANDINE BEYER & PIERRE HANTAI

Mercredi 22 Janvier à 20H30
Salon rouge du Musée des Augustins

Si à l’occasion de ce concert, ces deux musiciens sont aujourd’hui réunis autour de Johann Sebastian Bach, chacun d’eux s’est imposé depuis des années dans l’univers de la musique baroque, soit en tant que soliste, que pédagogue, ou à la tête de leurs ensembles réciproques – « Gli Incogniti » pour Amandine Beyer, « Le Concert Français » pour Pierre Hantaï. Invités des plus grandes scènes et des festivals, ils se produisent également en formation de musique de chambre avec le même engouement. Soucieux d’authenticité, d’équilibre et de clarté, jouant sur les dynamiques, les textures, les couleurs, les effectifs, ils ont à cœur de revisiter les œuvres du passé avec beaucoup de sincérité, de fraîcheur, de force et de conviction, proposant ainsi de nouvelles pistes d’interprétation.
Musiciens d’exception, Amandine Beyer et Pierre Hantaï allient talent et sensibilité dans l’interprétation de ces « Sonates pour violon et clavecin obligé » de J. S. Bach. Unis par une belle complicité et déployant tour à tour, audace et équilibre, rigueur et expressivité, inspiration et virtuosité, ils nous proposent une lecture revivifiée de ces œuvres.

Au programme

Sonates pour violon et clavecin obligé BWV 1014 à 1019

A la mort de Bach, ces sonates seront rassemblées en un seul recueil par Johann Christoph Altnikol, gendre du compositeur et auteur probable de la première copie manuscrite qui précise que la partie de basse peut-être doublée par une viole de gambe.

Quatre des six sonates de ce recueil constituent l’essentiel du programme, celui-ci étant complété par la sonate BWV 1023 pour violon et basse continue. *

Sonate en do mineur BWV 1017

Sicilienne, Largo – Allegro – Adagio – Allegro

Sonate en la majeur BWV 1015

Dolce – Allegro Assai – Andante un poco – Presto

Sonate en mi mineur et basse continue BWV 1023

[Allegro ] – Adagio ma non tanto – Allemande – Gigue

Sonate en sol majeur BWV 1019

Allegro – Largo – Allegro (Cembalo solo) – Adagio – Allegro

Sonate en mi majeur BWV 1016

Adagio – Allegro – Adagio ma non tanto – Allegro

A propos de l’œuvre

Composées vraisemblablement durant son séjour à Cöthen (entre 1717 et 1723), les six Sonates semblent destinées aux concerts que Bach se doit d’organiser chaque jour dans cette principauté de confession calviniste gouvernée par le Prince Léopold d’Anhalt-Cöthen, passionné de musique, et jouant lui-même de plusieurs instruments.

En novembre 1717, Bach, désireux de quitter Weimar suite à un différend concernant ses fonctions, fut mis aux arrêts « en raison de son attitude entêtée et du congé qu’il sollicite avec obstination ». Ayant accepté le poste de maître de chapelle du prince Léopold, il se retrouve également à la tête d’un orchestre de qualité, dispose de très bons instrumentistes et prête lui-même son concours en dirigeant l’ensemble des musiciens au violon ou au clavecin **. A la cour, Bach jouit d’une grande liberté et d’un climat favorable à l’épanouissement de son art. De plus, les revenus appréciables qu’il touche et les très bonnes relations, basées sur une estime réciproque, qu’il entretient avec le Prince Léopold lui permettent de se consacrer avec bonheur à la composition et à la pédagogie.

Durant cette période, Bach, ne pouvant s’exprimer dans le domaine sacré du fait des exigences de la religion calviniste, va composer la plupart de ses œuvres instrumentales, dont une grande partie de sa musique de clavecin et de sa musique de chambre, faisant preuve d’une activité créatrice exceptionnelle. Suites, sonates et partitas pour divers instruments, toccatas, préludes et fugues, concertos, pièces pour orchestre, œuvres didactiques, sont le fruit d’une grande inventivité et d’un travail mené sans relâche.

Si les formes instrumentales italiennes et françaises lui sont familières, l’héritage de la polyphonie allemande demeure le socle qui lui permet de réaliser une remarquable synthèse des différents styles européens dont ces œuvres témoignent. L’on sait que Bach a recopié ou transcrit plusieurs œuvres de ses prédécesseurs et contemporains, et a parfaitement assimilé les pratiques et les influences de son temps.

Sur le plan formel, cinq de ces sonates adoptent la structure de la Sonata da chiesa (quatre mouvements – lent/vif/lent/vif -). La sixième est conçue dans le genre de la Sonata da camera (cinq mouvements – dont trois rapides encadrant deux lents -), le mouvement central au caractère très enjoué étant ici confié au seul clavecin.

A travers une écriture violonistique totalement maîtrisée en dialogue permanent avec le clavecin « concertant », Bach tisse une écriture à trois voix réelles dans l’esprit de la « sonate en trio », traitant chacun des deux instruments à égalité. En effet, si la main gauche au clavecin réalise le soutien harmonique reposant sur des formules d’accords plus ou moins développés, la main droite, entièrement écrite, permet de mieux répartir les différentes lignes mélodiques entre la voix du dessus au violon et les deux mains du claveciniste.

D’une manière générale, les mouvements lents plus ou moins amples, parfois lyriques ou tendres, déclamatoires ou rêveurs, quelquefois presque austères, restent toujours très expressifs. Les mouvements rapides sont eux pour la plupart basés sur des motifs joyeux et dynamiques, soutenus par une écriture en imitation canonique ou de caractère nettement fugué et souvent très proches par l’esprit d’une toccata ou d’un concerto à l’italienne. L’alternance de mouvements lents et rapides, permet à Bach de passer de la rigueur d’une écriture où se mêlent contrepoint et harmonie, à la souplesse d’une mélodie, à l’élégance d’un phrasé ou d’une ornementation, exprimant tour à tour, douceur, mélancolie, mais aussi légèreté, brillance et virtuosité.

En coloriste avisé, il joue sur la dualité majeur/mineur allant vers des tonalités de plus en plus chargées avec un nombre croissant d’altérations (dièses ou bémols) ***, dont le caractère affirmé et les atmosphères contrastées font résonner les instruments de manières très différentes. L’expression des sentiments et la richesse du discours musical atteignent alors par un subtil maillage polyphonique l’équilibre parfait si caractéristique de son style et de sa conception architecturale.

Bien que conservant leurs unités respectives, ces sonates, pièces ambitieuses où les difficultés techniques ne sont pas épargnées, constituent une sorte de cycle où la souffrance la plus sombre côtoie la joie la plus lumineuse.

* Cette œuvre répond au schéma habituel de la sonate pour instrument soliste et basse continue (ou continuo) où le claveciniste réalise une basse chiffrée développant un accompagnement plus ou moins fourni au gré de son imagination. A un long prélude de forme assez libre succèdent un adagio de caractère plus méditatif, suivi de deux mouvements de danse, une allemande noble et une gigue allègre.

** Reconnu comme l’un des grands maîtres de l’orgue et du clavecin, Bach pratiqua également le violon durant toute sa vie, confiant à cet instrument quelques-unes des plus belles pages de la littérature violonistique.

« Il jouait du violon avec pureté et précision, et conservait ainsi l’orchestre en meilleur ordre qu’il n’eût pu le faire depuis son clavecin ».

Carl Philipp Emanuel Bach

*** Durant la période baroque, l’accord d’un instrument à sons fixes repose sur le choix d’un tempérament (inégal ou mésotonique) donnant à chaque tonalité une « couleur » qui lui est propre, choisie en fonction du style d’une œuvre et des sentiments qu’elle veut évoquer. Si certaines tonalités sonnent d’une manière très agréable, d’autres peuvent être difficilement praticables sur des instruments anciens. Notons que vers 1722, paraissent le tome 1 du « Clavier bien tempéré » de Bach et le « Traité de l’harmonie réduite à ses principes naturels » de Rameau, deux ouvrages qui vont largement contribuer à l’évolution du système tonal dont la prépondérance subsistera jusqu’au début du XXème siècle.

 

Interprètes
Amandine Beyer, violon
Pierre Hantaï, clavecin