Salon rouge du Musée des Augustins
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« Cette manière de tirer rune harmonie tantost tendre,
tantost brillante, qui surprend agréablement l’oreille… ».
Sieur Danoville
Retrouver en concert Christophe Coin, gambiste, violoncelliste, chambriste et chef d’orchestre, au côté de Jan-Willem Jansen, organiste, claveciniste et continuiste, demeure un évènement. Musiciens accomplis et solistes renommés dans leurs disciplines respectives, ils partagent une même approche au regard d’un répertoire exigeant, et, sans cesse à la recherche d’un nouveau souffle, ils s’imposent par la qualité de leur interprétation souvent remarquable.
La belle entente qui les unit se manifeste principalement au sein de l’univers orchestral et en formation réduite, là où la nécessité d’un travail précis et minutieux, la recherche d’un équilibre sonore en adéquation avec les œuvres interprétées prend une résonance particulière.
Au fil des ans ils se sont imposés dans le paysage musical, contribuant par leurs diverses activités au développement et au rayonnement de la musique ancienne. Enseignants tous deux, sollicités par les plus grandes formations, ils se distinguent également par leur engagement à la direction ou au service de manifestations musicales de grande envergure.
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Au programme
« Bach, le père, le fils et un disciple »
Johann Sebastian Bach
1685 – 1750
Sonata a Cembalo obligato e Viola da gamba
Sol mineur – BWV 1029
Vivace – Adagio – Allegro
« Fantasia chromatico pro Cimbalo »
Ré mineur – BWV 903
Sonata a Viola da gamba e Cembalo obligato
Ré mineur – BWV 1028
Adagio – Allegro – Andante – Allegro
Carl Philipp Emanuel Bach
1714 – 1788
Sonata a Viola da gamba e Basso
Ut majeur – Wq 136 (1745)
Andante – Allegretto – Arioso
Carl Friedrich Abel
1723 – 1787
Adagio & Allegro
Ré mineur
Carl Philipp Emanuel Bach
1714 – 1788
Sonata a Cembalo e Viola da gamba e Basso
Sol mineur – Wq 88 (1759)
Allegro moderato – Larghetto – Allegro assai
Autour du clavecin, à qui Bach consacra quelques-unes de ses plus belles œuvres, et de la viole de gambe, qu’il appréciait pour la richesse de ses qualités expressives, se construit un programme à la fois intimiste et brillant qui réunit deux générations de musiciens virtuoses et compositeurs talentueux représentatifs d’une période clé de l’histoire de la musique. A l’éloquence parfois exubérance du baroque finissant va s’imposer progressivement la belle ordonnance des formes classiques qui au croisement des divers courants d’expression conduit en quelques années à l’avènement du romantisme.
Johann Sebastian Bach
« Johann Sebastian Bach appartient à une famille dont tous les membres réunis semblent avoir reçu en don de la nature un amour et un talent pour la musique ». [Nécrologie…]
Les trois sonates pour viole de gambe* et clavecin ont certainement été dédiées à Christian Ferdinand Abel ou à son fils Carl Friedrich, célèbres gambistes tous deux.
Alors que la sonate en ré majeur reprend la structure de la « sonata da chiesa » en 4 mouvements, celle en sol mineur, plus aboutie et sans doute reprise plus tardivement, adopte une structure en 3 mouvements très proche par l’esprit du style concertant italien. Toutes deux respectent l’esprit de la sonate en trio où les deux voix supérieures** soutenues par la basse, dialoguent en permanence en un discours polyphonique imitatif et dense. Les mouvements lents, où la beauté des lignes mélodiques se déploie avec fluidité et souplesse, dégagent un sentiment de grande sérénité. Plus virtuoses et enjoués, les mouvements rapides traduisent une énergie rythmique coutumière chez Bach, l’équilibre entre les deux solistes s’accomplissant en un jeu contrapuntique riche et subtil.
* Outre sa présence dans le continuo et dans certaines œuvres instrumentales, Bach confie à la viole quelques rôles « solistes » notamment dans ses cantates et passions où la diversité de sa palette sonore et ses capacités expressives sont mises en valeur.
** La partie de viole et la main droite du clavecin sont écrites par le compositeur, la main gauche réalise la basse chiffrée.
Explorant toute l’étendue du clavier, la fantaisie* qui précède la fugue, sert ici de prélude et s’ouvre par une succession d’arpèges, d’accords imposants et de traits virtuoses dans l’esprit d’une toccata. A cet exposé quelque peu brillant et déclamatoire succède une sorte de récitatif très expressif et d’une grande variété de couleurs où suspensions, accords brisés, modulations osées renforcent la tension et le caractère étrange de cette pièce. Un épisode reprenant l’esprit de la première partie conclut cette fantaisie avec brio. Après une exposition assez stricte du thème, la fugue à trois voix se déroule de manière relativement libre en un discours plus épanoui au gré d’une ardeur rythmique très soutenue. Remarquable à plus d’un titre, l’œuvre fourmille d’inventivité et d’audaces, révélant une écriture toujours maîtrisée mais pleine de contrastes d’une belle intensité dramatique où l’utilisation du chromatisme donne l’impression en apparence de vouloir échapper à la tonalité, révélant ici une conception assez moderniste.
* Sans doute écrite à l’époque de Köthen, l’œuvre dans son ensemble apparait comme une pièce isolée ayant vraisemblablement été remaniée quelques années plus tard à Leipzig.
** Caractéristique de l’écriture pour clavier, la fantaisie de conception plus libre, parfois débridée et souvent de style improvisé, n’est soumise à aucune règle précise.
Carl Philipp Emanuel Bach
« C’est avec l’âme qu’il faut jouer, et non comme un oiseau bien dressé… ».
Surnommé le « Bach de Berlin et de Hambourg », en référence aux postes successifs qu’il occupa, son œuvre abondante reflète les préoccupations stylistiques de cette période charnière de la seconde moitié du XVIIIe siècle qualifiée de pré-classique et dont il est l’un des principaux représentants*. Tonalités sombres, modulations inattendues, chromatismes, nuances appropriées, silences éloquents, sont utilisés à dessein dans sa musique. S’écartant du simple plaisir esthétique, sa volonté de susciter des émotions et de traduire au mieux l’expression des sentiments, préfigure l’évolution des formes et du langage caractéristique du classicisme viennois. C’est lors de son séjour à Berlin au service du roi de Prusse Frédéric II le Grand que C. Ph. E. Bach compose ses trois sonates pour viole de gambe et clavecin**. D’une grande exigence technique et très représentatives du style en vigueur, elles présentent chacune une structure en 3 mouvements.
La sonate en ut majeur débute par un andante aux courbes mélodiques soutenues et d’une belle plénitude, auquel succède un allegro énergique et très mélodieux. L’arioso conclusif dont l’allure s’apparente à une danse s’étire avec délicatesse et bonhomie.
L’esprit de la sonate en sol mineur, reposant sur un vrai « dialogue » à trois, est bien celui d’une sonate en trio. Le discours parfaitement équilibré, où les tournures mélodiques s’échangent constamment permet au clavecin de faire jeu égal avec la viole. Si l’aspect virtuose et décidé reste nuancé et fluide dans les mouvements rapides, l’intensité émotionnelle du larghetto introduit un climat plus dramatique tout en contraste.
* Par l’éclosion d’un langage plus personnel, les compositeurs cherchent à traduire en musique les « affections de l’âme » caractéristiques de « l’Empfindsamkeit »/Sensibilité.
** Dans ces sonates, probablement destinées au virtuose Ludwig Christian Hesse, la viole bénéficie encore d’une attention particulière à la cour du roi de Prusse malgré l’amorce de son déclin.
Carl Friedrich Abel
« Sa musique s’est toujours caractérisée par la beauté et la force de son expression […] personne ne joua de cet instrument avec plus d’efficacité et d’intensité ». Gentleman’s Magazine, 21 mai 1787
Initié à la viole par son père Christian Ferdinand Abel*, Carl Friedrich poursuit sa formation auprès de Bach à Leipzig avant de rejoindre la cour de Dresde. C’est à Londres, où il obtient le titre flatteur de « Musicien de la Chambre » de la reine Sophie Charlotte, qu’il s’établit dès 1758. Il se lie d’amitié avec Johann Christian Bach avec qui il fonde en 1765 les concerts « Bach-Abel » sur abonnements. Compositeur fécond, considéré comme l’un des derniers grands virtuoses de la viole, il réserve à cet instrument une place de choix avec un grand nombre de sonates pour viole et basse continue et plusieurs pièces pour viole seule d’une belle facture. Provoquant « une admiration profonde » de son vivant, sa musique renouvelle par l’écriture l’intérêt porté à la viole. Son style très personnel, sobre, clair et limpide reste très expressif et revêt une certaine élégance apte à traduire les sentiments les plus variés.
* Des liens d’estime et d’amitié unirent les familles Abel et Bach tout au long du siècle. Johann Sebastian Bach et Christian Ferdinand Abel ont œuvré ensemble à la cour de Köthen, et leurs fils, Johann Christian et Carl Friedrich, se retrouvant à Londres, collaborèrent étroitement pour faire connaître la musique de leur temps.
Interprètes
Christophe Coin
viole de gambe
&
Jan Willem Jansen
clavecin