Salon rouge du Musée des Augustins
A la tête d’Hespèrion XXI, l’un des trois ensembles qu’il dirige, Jordi Savall, figure emblématique et incontournable de la musique ancienne depuis plus de trente ans, a œuvré grandement avec ses musiciens à la réhabilitation, entre autre, de tout un très beau patrimoine musical resté dans l’ombre jusqu’alors, celui de la musique espagnole des XVIe et XVIIe siècles, mais aussi celui du bassin Méditerranéen et de l’Amérique. Entouré de ses fidèles musiciens, qui pratiquent avec talent et fantaisie l’art de l’improvisation, du dialogue et de l’échange, l’infatigable interprète, chercheur, pédagogue, ouvre ici les portes d’un univers fascinant par ses rythmes souvent effrénés et ses couleurs sonores. Au côté des musiciens d’Hespèrion XXI seront présents deux musiciens de Tembembe Ensamble Continuo du Mexique.
A la croisée de l’Ancien et du Nouveau Monde, le programme,
FOLIAS *
Antiguas & Criollas
recouvrant les périodes renaissance et baroque,
juxtapose et entrelace pièces tirées du répertoire « historique » hispanique et européen, pièces anonymes, improvisations, variations…, constituant un métissage sonore teinté d’influences créoles, mais aussi africaines, et de musique issues des traditions orales sud-américaines. L’influence de la danse, toujours présente et l’utilisation de quelques instruments caractéristiques confèrent à ce programme une richesse d’expression, de virtuosité, d’enjouement et d’émotion qui témoignent de l’attrait et de l’importance du croisement des cultures où « le pouvoir de la musique, sa beauté, sa dimension émotionnel le et spirituelle en font le langage le plus essentiel de l’humanité ».
* Folia (« folie ») désigne à la fois une danse populaire (« amusement débridé ») ou chanson dansée vraisemblablement originaire du Portugal, un thème devenu prétexte à variations instrumentales (diferencias) plus ou moins virtuoses, et à l’époque coloniale une réunion festive.
Dès la fin du XVème siècle, dans le sillage des caravelles et galions partis de la péninsule ibérique pour conquérir les Amériques, de nombreuses corporations et personnes de tout niveau social (soldats, ordres mendiants, marchands, nobles, ménétriers, esclaves…) font également la traversée avec dans leurs bagages objets divers, livres, méthodes et recueils poétiques, et pour les musiciens, instruments, partitions manuscrites et imprimées, et traités. Du Mexique au Pérou, en passant par les Canaries et les Caraïbes, le processus de colonisation se met en place, l’influence espagnole et portugaise gagnant peu à peu l’ensemble du continent non sans provoquer destructions, massacres et anéantissement d’une grande partie de l’héritage des Indiens d’Amérique.
L’une des premières routes maritimes empruntée conduit les conquistadors de Séville à Veracruz dans le Golfe du Mexique. Au début du XVIème siècle, Mexico, ville érigée sur les ruines de l’empire aztèque devient la capitale de la Nouvelle-Espagne, véritable creuset social et culturel. Dès lors, le brassage des populations s’opère. Aux côtés des natifs du pays et des africains, métis et créoles (criollos) deviennent les représentants de nouvelles ethnies de sang-mêlé. Un peu plus tard, une deuxième route passant par Portobelo et Carthagène ouvrira la porte du sud de l’Amérique.
Les franciscains, dont la mission est d’entreprendre l’évangélisation des populations indigènes vont mettre la musique au service de leur enseignement favorisant ainsi le développement de la musique occidentale. Dans ce domaine, l’apport espagnol déjà imprégné d’influences multiples (européenne, arabe, juive, tsigane, celte) s’enrichit encore des rythmes, rituels, mélodies et danses que les africains affranchis ou esclaves répandent sur le nouveau continent. Pour faciliter l’intégration des autochtones, très friands de festivités, l’usage des langues vernaculaires, nahuatl ou huastèque, est conservé. Les prières et textes chantés sont traduits et les singularités païennes et populaires se mêlent aux grandes fêtes chrétiennes et cérémonies incluant même des mises en scène théâtralisées avec costumes, chars décorés, masques et danses.
Sous l’impulsion des musiciens et maîtres de chapelle chargés de l’apprentissage musical auprès des adultes et des enfants, les traités, partitions, tablatures circulent parmi le peuple qui tout en conservant ses propres rites et traditions, se familiarise peu à peu avec les polyphonies, les danses et sonorités instrumentales nouvelles. Plutôt habitué aux flûtes diverses, conques, trompes, tambours, le peuple amérindien va adopter harpe, vihuela, guitare, vents et percussions plus élaborés et découvrir un mode d’expression autre que la gamme pentatonique. Il s’approprie les techniques de jeu et l’art de la variation (diferencias) propres au vieux continent, et s’initie à la fabrication d’instruments.
Ce nouveau paysage sonore où rythmes et sons traditionnels du Mexique se mêlent à l’héritage d’outre-atlantique, devient le symbole de l’expression d’un métissage linguistique et culturel réussi, qui, prenant de l’ampleur, atteindra par la suite une grande partie de l’Amérique latine.
Au programme
FOLIAS
ANTIGUAS & CRIOLLAS
De l’Ancien Monde au Nouveau Monde
Folias Antiguas
Diego Ortiz La Spagna
Anonyme (CMP 121) Folias antiguas (improvisation)
Anonyme Folias antiguas “Rodrigo Martinez” (improvisations)
Gaspar Sanz / Son de Tixtla
Jácaras / La Petenera
Diego Ortiz
Folia IV – Passamezzo antico I Passamezzo moderno III – Ruggiero
Romanesca VII – Passamezzo moderno II
Pedro Guerrero Moresca
Antonio de Cabezón Folia: Pavana con su Glosa
Juan García de Zéspedes / Traditionnel de Tixtla & improvisations
Guaracha
Entracte
Les traditions Celtiques au Nouveau Monde
Regents Rant Traditionnel écossais
Crabs in the skillet Ryan’s Mammoth Collection (Boston)
Lord Moira’s Hornpipe Ryan’s Collection (Boston)
Santiago de Murcia / Traditionnel jarocho
Fandango – El Fandanguillo
Antonio Martín y Coll (& improvisations)
Diferencias sobre las Folias
Francisco Correa de Arauxo Glosas sobre “Todo el mundo en general”
Anonyme Canarios (improvisations)
Antonio Valente / improvisations Gallarda Napolitana – Jarabe Loco (jarocho)
Interprètes;
Musiciens de Mexique
TEMBEMBE ENSAMBLE CONTINUO
Enrique Barona
Huapanguera, leona, jarana jarocha 3a, mosquito, maracas & pandero
Leopoldo Novoa
Marimbol, guitarra de son 3a, jarana huasteca, quijada de caballo
& arpa llanera
HESPÈRION XXI
Xavier Díaz-Latorre
Théorbe & guitare
Andrew Lawrence-King
Harpe baroque espagnole
Pedro Estevan
Percussion
Jordi Savall
Dessus de viole Anonyme italien, ca. 1500
Basse de Viole à sept cordes Barak Norman, Londres 1697
& Direction
Avec le soutien du Département de la Culture de la Generalitat de Catalunya, de l’Institut Ramon Llull, du « Programme Culture » de l’Union européenne et du Fonds National pour la Culture et ses arts de la Scène CONACULTA – MÉXICO